Le musée continue l'appel aux dons lancé dans le cadre du projet de restauration de la tenture funéraire égyptienne du IIe siècle ap. J.-C. avec une image unique. Au centre de la tenture se tient une jeune femme vêtue d'une tunique rose. Elle tient la main d'un enfant portant une toge blanche. Les visages de la femme et de l'enfant, qui est sans aucun doute son fils, sont peints d'une manière très personnalisée. Il est probable que la femme et le garçon soient décédés simultanément et c'est pour cela qu'ils sont représentés ensemble sur le suaire. Il est aussi possible que ce soit seulement la femme qui soit décédée et que l'artiste ait rajouté l'image de l'enfant pour mettre en évidence son rôle maternel. La mère et le fils se trouvent entre deux représentants du panthéon égyptien - Anubis, dieu de l'Embaumement (le personnage à tête de chacal) et Osiris, souverain du monde de l'au-delà (la figure momifiée).
La tenture nécessite une restauration urgente. À ce qu'il paraît, l'image a été transférée sur une toile différente sans l'habileté suffisante, ce qui a provoqué d'éventuelles pertes dans la couche de peinture. L'état actuel de la tenture peut résulter en une perte complète de l'image. Les spécialistes en restauration et conservation du Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine ont élaboré un projet pour sauver cet artefact unique, qui prévoit une recherche physico-chimique et microbiologique complexe. La recherche sera menée en coopération avec les spécialistes du Centre de Restauration Grabar, Musée de l'Ermitage, le Louvre (Paris), et Metropolitan Museum Of Art.
L'appel aux dons lancé par le Musée invite tous à participer au projet de restauration de la tenture.
La tenture funéraire provient de la collection de Vladimir Golenistchev (1856-1947), égyptologue et orientaliste russe. Savant professionnel, il rassemblait ça collection des antiquités orientales pendant 30 ans et l'a vendue au Musée des Beaux-Arts en 1909. La collection de Golenistchev compte 7 000 objets.
La production des tentures funéraires couvertes de peintures existait en Égypte pendant la période gréco-romaine (IVe siècle av. J.-C. - IVe siècle ap. J.-C.). On connaît près de 100 tentures découvertes, entières ou fragmentées. Les premiers exemples de tels artefacts sont datés du Ier siècle av. J.-C., lorsque leur production de masse ne commence qu'au IIe-IIIe siècle ap. J.-C. La plupart des tentures funéraires provient des anciens nécropoles de Memphis (Saqqara), Thèbes et Fayoum. La technique de peinture sur ces artefacts est unique - elle implique l'usage de la détrempe et de peinture à la colle sur une toile de lin. Les tentures avaient une signification rituelle - elles couvraient les momies enveloppées dans des bandelettes. Néanmoins, l'état parfait de certaines d'entre elles fait penser à un possible usage en tant que "tableaux" appendus sur les murs.
On peut distinguer plusieurs types d'images sur les tentures. Le premier type représente le défunt momifié debout, le deuxième - portant les vêtements romains (une tunique ou une toge). Celles du troisième type montrent le défunt debout en vêtements romains accompagné de deux déités principales du panthéon égyptien - Anubis et Osiris, le visage du défunt étant peint à la détrempe encaustique. On suppose que le portrait soit peint pendant la vie du client et ensuite inséré dans la tenture. On ne connaît que six tentures découvertes du troisième type: une est conservée dans le Louvre, trois - au Musée égyptien de Berlin, et deux - au Musée d'État de Beaux-Arts Pouchkine. Tous les six tentures proviendraient du nécropole de Saqqara, datant du II siècle.
L'iconographie de la tenture moscovite est unique - on voit une femme qui tient la main d'un enfant. Des hypothèses ont été présentées proposant que ce soit une fille, pourtant il n'est pas facile de juger à base des traits du visage exclusivement. L'enfant est vêtu d'une petite toge blanche aux rayures noires (clavi); sa coiffure est notamment caractéristique des garçons - la soi-disant "mèche de l'enfance" sur le côté droit de la tête. Ainsi, l'image appartient sans doute à un garçon. La jeune femme est vêtue d'une tunique rose aux clavi de couleur lilas sombre, un signe de statut social élevé, et un manteau blanc. Elle tient un petit sac rose et jaune dans sa main droite, et une branche de myrte dans la main gauche. La mère et l'enfant ont les pieds nus.
Les visages de la femme et de son fils sont peints d'une manière très personnalisée. Malheureusement, la couche de peinture sur le visage de la jeune femme est très endommagée, mais le fragment conservé permet de voir son visage allongé et ses yeux en amande. Les cheveux noirs lisses ont la raie au milieu. C'est grâce à cette coiffure avec un contour triangulaire très caractéristique sur le front que l'on peut dater la tenture de la période du règne des Empereurs Trajan et Hadrien, c'est à dire 120-130 ap. J.-C.
On ne connaît plus de tentures funéraires avec un double portrait du genre. C'est probable que la femme et le garçon soient décédés simultanément et c'est pour ça qu'ils sont représentés ensemble sur le suaire. C'est aussi possible que ce soit la femme qui est décédée et que l'artiste ait rajouté l'image de l'enfant pour mettre en évidence son rôle maternel. La mère et le fils sont accompagnés d'Anubis, dieu de l'Embaumement et guide vers le monde de l'au-delà représenté par la figure d'un homme à tête de chacal, et Osiris, souverain du monde d'au-delà. Le corps d'Anubis est peint en noir ce qui symbolise le monde de l'au-delà et la vie éternelle. Le dieu est coiffé d'un némès à raies orange et lilas. Derrière sa tête on aperçoit le disque solaire. Le personnage divin porte les vêtements blancs imitant le plumage d'un oiseau avec un bandeau décoratif en damier.
Anubis dirige la femme vers Osiris avec un geste. Il a un visage rond aux joues roses, traits prononcés, lèvres charnues et yeux verts sous les sourcils noirs distincts. Osiris est coiffé d'un némès jaune et un couvre-chef cornu provenant d'"atef", une couronne connue en ancien Égypte. Dans ses mains il tient un sceptre et un fouet - symboles ancien du pouvoir royal. La momie du dieu est enveloppée dans des bandelettes blanches et rouges mises en pointe de diamant caractéristique de la période gréco-romaine. La figure d'Osiris peut être interprétée de deux façons - comme une image du souverain du monde d'au-delà qui accueille le défunt ou bien comme une image de la jeune femme défunte elle-même après sa résurrection et sa transformation en Osiris.
Les égyptiens croyaient que après le rituel de momification le corps humain parvient à obtenir un état différent et devient "illuminé" et transformé. Selon un mythe d'ancien Égypte Osiris a été assassiné par son frère Seth et ensuite ressuscité par sa femme Isis, c'est pourquoi chaque défunt momifié ressuscite en tant qu'Osiris dans le monde de l'au-delà. La tenture funéraire décrit le moment du passage du défunt de la vie terrestre à la vie d'outre-tombe. Cela explique le fait que les personnages se trouvent sur la barque funéraire qui va vers l'ouest où le royaume d'Osiris est situé. Les disques solaires sur la barque et derrière la tête d'Anubis symbolisent la résurrection après la mort, en comparant le défunt au soleil qui se couche à l'ouest pour se lever ensuite à l'est.
Derrière Osiris on peut apercevoir la figure d'un serviteur vêtu d'une tunique jaune et un chapeau bleu conique en train de puiser de l'eau d'un puits à l'aide d'un chadouf. Selon les croyances de l'ancien Égypte Osiris offre au défunt de l'eau fraîche qui le ressuscite. On voit aussi d'autres personnages sur la tenture que l'artiste a empruntés des peintures décoratives des tombeaux de l'ancien Égypte et qui sont liés à la mort, au jugement divin et à la résurrection. Y compris la déité au-dessus de la tête de la jeune femme, les quatre fils d'Horus ou canopes près d'Osiris et Anubis, et quatre figures schématisées qui représentent, sans doute, les esprits des défunts qui accueillent la nouvellement arrivée au royaume. Malgré le mauvais état de la tenture, il est évident qu'elle était créée par un artiste éminent. Cela est indiqué par la qualité de la technique artistique et la combinaison habile des méthodes artistiques et iconographiques des traditions classiques et égyptiennes. Cette tenture est sûrement un artefact unique.